La part ludique de l’Architecture

« La ville rêvée accorde la prééminence au plaisir de jouer, à la passion de créer et à ce bonheur d’être à soi qui, seul, permet d’être aux autres et de contribuer à leur bien-être. » Raoul VANEIGEM
Cette année la Maison de l’Architecture de Haute Savoie explore le jeu dans la ville par la création d’ateliers menant à la restitution d’une maquette utilisant les briques lego, les bois découpés et les dessins, et par l’exploration en Résidence du quartier des Trois Fontaines, qui tient son nom des trois cours d’eau qui le parcourent …
« La fonction ludique change la manière dont les gens agissent et interagissent à l’intérieur des communautés. » Rozanna MONTIEL.

En premier examen, l’évocation du jeu ramène souvent à l’idée de l’enfance, pour laquelle le jeu est la forme même de son devenir ; L’enfant grandit en jouant. Dans son « Essai sur la fonction sociale du jeu » paru en 1938, Johan Huizinga pour qui « le jeu est une tâche sérieuse » avait montré que le jeu est un vecteur culturel bien plus profond. Comment cela s’exprime-t-il en ville ou dans sa périphérie, cadre du développement contemporain de la majorité des enfants.
Dans un article récent, la revue AMC analyse les relations à l’enfant que permet la ville, ce qu’elles ont été, ce qu’elles sont devenues, comment elles sont imaginées pour le futur : Il a été mesuré ainsi qu’aujourd’hui un enfant joue librement en ville 30 minutes sans surveillance contre 4 heures dans les années 60. On peut se souvenir à ce propos du film « Le Ballon Rouge » dans Paris ou bien du film « Le Cerf-volant du bout du monde », dans Pékin, dont les protagonistes, des enfants, vivaient des aventures urbaines magiques.
Le constat actuel est lucide : la ville moderne n’a pas été pensée pour les enfants. Celle-ci, bien que traversée par de nouveaux modes de déplacements doux, reste inadaptée et dangereuse pour les enfants. Elle reste majoritairement la ville de la voiture. Un rapport national publié en 2024 alerte même sur une forme d’urgence sanitaire pour les jeunes citadins.
Pour contrer cette dynamique, donner aux enfants une place prépondérante au coeur des aménagements urbains est pensé par des architectes et des philosophes comme T. PAQUOT dans de nombreux projets traversés par un urbanisme tactique, avec une mise en place de solutions qui opposent aux contraintes normatives d’empêchement à l’irruption de l’enfant dans l’espace urbain une stratégie favorisant le grand jeu à venir.
Ainsi, au-delà de l’aire de jeu traditionnelle à usage limité, ces projets encouragent la construction d’espaces urbains évolutifs et intergénérationnels, cherchent à prolonger les espaces ludiques au creux des rues, à créer des cours oasis, à donner des points de vue à hauteur d’enfants, à créer des terrains d’aventures sécurisées de toutes tailles, des zones prioritaires dédiées aux enfants, des espaces de jeux en plein air, des aires de jeux naturelles, à promouvoir une urbanisation sensorielle, à repenser la dépose des enfants aux écoles, à encourager la création de boutiques amies des enfants, à associer les enfants aux projets, etc. Par son action « le Jeu dans la Ville », La Maison de l’Architecture de Haute Savoie propose d’évoquer de façon ludique la possibilité de construire une ville à hauteur d’enfant, cette ville que nous devons aux enfants …
José VILLOT, Président de la MA74