L’Architecture et l’Animal,
Les dernières découvertes liées à l’étude de la Grotte Chauvet ont mises en évidence une proto-forme de coexistence antéhistorique du loup et des humains, probablement empreinte de méfiance et d’intérêt mutuel, le premier prévenant des dangers d’intrusion à l’intérieur des grottes, notamment de l’ours venant hiberner, tandis que le second pourvoyait en partie à son alimentation à base de restes d’animaux tués, carcasses, charognes, etc. Et si les loups ont pu s’aventurer dans les profondeurs, c’est grâce au feu des humains s’y regroupant. Proximité des humains avec les animaux sauvages, donc.
A l’Abbaye d’Annecy le Vieux vient de se conclure une belle exposition consacrée à l’artiste chinois Yang Yongliang, « Paysages imaginaires », ensemble de grands formats numériques évoquant la confrontation violente entre un urbanisme envahissant et la perte d’un habitat traditionnel. On pouvait aussi remarquer discrètement placés au premier plan des paysages naturels et du bâti ancien en disparition un animal sauvage, serpent, aigle pêcheur, tigre, singe, tortue, autant d’animaux sauvages et symboliques comme souvenir d’un monde aux liens perdus, un air d’avoir été là avant…
L’écrivain Jean-Christophe Bailly, dans son essai « Le versant animal », développe longuement le côtoiement de l’homme avec les animaux sauvages, qu’il présente comme un système complexe d’évitements et de tensions dans l’espace, à l’intérieur duquel lequel les animaux doivent se cacher. Jean Christophe Bailly a également commenté dans le livre « Animal politique » les tableaux du peintre Gilles Aillaud, qui offre au regard du spectateur dans ses peintures des animaux en cage, à peine visibles, écrasés d’indifférence, submergé par la réclusion, cet autre type d’espace réservé aux animaux sauvages… Et bien que le monde semble achevé, l’écrivain souligne : tout animal est un commencement, un enclenchement, une résistance, pour que se rétablisse le partage des domaines… Les animaux assistent au monde. Nous assistons au monde avec eux, en même temps qu’eux…
Certaines expositions d’architecture comme celle qui s’est tenue au Pavillon de l’Arsenal à Paris, en 2023 mettent l’accent sur des pistes de lecture pour une réflexion sur la relation homme/animal, l’architecture pour et avec l’animal et le devenir animal de la ville : concevoir autrement l’architecture et la ville est-il possible ? Comment les imaginaires autour de l’animal nourrissent-ils des théories et des pratiques dans les domaines de l’architecture, de l’urbanisme et du paysage ? Peut-on comprendre les manières dont la présence mais aussi l’absence des animaux en ville configurent nos cosmologies contemporaines, nos attitudes et nos comportements.
Sous le regard d’un boeuf et d’un Âne, en cette fin d’année qui s’approche, la Nativité chrétienne donne au monde occidental un fondement à la présence animale, une allonge à cette proximité, à ces espaces partagés entre hommes et bêtes, à partir desquels une civilisation a pu se concevoir dans une architecture commune jusqu’à nos jours de désaveu … Pourtant il parait simple d’imaginer la sensation d’un accord, d’une possibilité paisible, d’un sursaut … Simple d’accorder à l’animal sa présence dans le paysage … de re-trouver son côtoiement singulier… d’apercevoir l’étrangeté de son regard, nous observant …de retrouver l’intimité perdue … La Maison de l’Architecture de Haute Savoie vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année, et un Joyeux Noël en toute rêverie, comme dans une étable en hiver …
José VILLOT, Président de la MA74