Escape Game et Architecture :

L’architecture s’appréhende principalement par ses formes, ses espaces, ses matériaux, ses volumes, ses perspectives, ses sensations, ses usages ; Rarement par son mystère. Quelques projets d’architectes renommés jouent pourtant avec l’imaginaire et le secret, comme par exemple les constructions de Rem Koolhaas, de Bernard Tschumi, de Herzog et De Meuron,  ou plus récemment celles de BIG. Dans ces exemples, l’objectif montré, s’il est bien d’ordonner la lumière,  les volumes, et les usages avec une grande virtuosité, oriente essentiellement l’architecture vers un système de productions d’expériences où l’émerveillement doit croiser l’étonnement, où  la surprise engendrera l’exaltation,  où la dissimulation fera naître la stimulation intellectuelle. Comme dans un théâtre fait de glissières et de coulisses, de machines à révéler et de machines à cacher, une certaine architecture contemporaine développe des instants de vie quotidienne marqués par plus de poésie, une part de mystère, une perception augmentée.

Ces architectures du ludique explorent souvent dans leur conception un dispositif architectural particulier, le labyrinthe ; Par exemple chez Rem Koolhaas, Les sols se soulèvent, les portes se dérobent, les plafonds se font parois, les ouvertures se referment, les passages se font pont levis… Version contemporaine de la parabole philosophique du passage vers la liberté,  célèbre depuis celui du palais de Crête cachant le Minotaure en passant par les sols marbrés des cathédrales et leurs chemins de délivrance, le plus pratiqué étant celui de Chartres, par les Passages Parisiens de Walter Benjamin, et par les expérimentations plus subversives des architectes hollandais du XXe siècle tel Constant, consistant à se perdre dans les espaces multiples d’une ville utopique pour donner naissance à un nouveau type d’habitant, l’Homo Ludens ( l’homme joueur).

A notre époque, une forme de construction d’espaces de jeux est en vogue, qui décline le labyrinthe en y conjuguant le mystère dans des ambiances très variées, pour y provoquer des émotions cathartiques : l’Escape Game.

Produite souvent par des agences d’architectes spécialisées dans la construction spécifique et l’aménagement sécurisé de ses sortes d’espaces, l’architecture de tels lieux possède deux façades dissociées :  L’extérieur qui tient souvent du banal ; un local artisanal, un appartement, des bureaux réaffectés et l’intérieur qui contient le labyrinthe et l’énigme, saturés par de multiples artifices : Chausses trappes, fausses indication, code d’accès difficiles, portes dissimulées, ambiances sonores, parfums divers, ombres impressionnantes, pièces qui se referment, lumières historicisées, mobilier truqué, etc. La peur participe du plaisir, l’angoisse de l’enfermement annonce la libération quasi extatique de l’accès à l’extérieur, l’enquête se fait stimulante ou désarmante…

Il suffit d’entrer par une porte : dès lors, pendant une heure environ, on peut se retrouver allongé tout habillé dans une baignoire pour que se révèle le code de la porte de l’espace bains, ou souffler à l’aide d’un sèche-cheveux sur le carrelage mural pour obtenir des chiffres nécessaires à l’ouverture d’un coffre, on peut se précipiter par un passage au ras du sol, on peut lire à l’aide d’un miroir un texte incompréhensible à l’endroit, ou actionner des mécanismes qui modifient les parois, on peut déplacer des lampes devant des tableaux pour qu’ils révèlent les solutions qui mènent vers la sortie, ou bien regarder une vidéo codée sur un écran caché sous un lit, découvert souvent par hasard …

Ainsi tel Thésée, nous parcourons avec détermination et beaucoup d’inquiétude le chemin semé d’embûches pour résoudre l’énigme finale et libérer le groupe de l’espace enfermant.

L’Escape Game nous dit aussi que l’architecture est l’espace fermé qui s’ouvre, ou l’espace ouvert qui se ferme, c’est-à-dire l’espace vivant qui nous contient et nous libère.

Allez, entrez dans le jeu, passez la porte de la Maison de l’Architecture  …

José VILLOT, Président de la MA74