LE CINEMA ET l’ARCHITECTURE :
Quand Tziga Vertov réalisait son film L’homme à la caméra en 1929, peu après les films des expressionnistes allemands du début des années 20, employant au maximum les techniques cinématographiques de son époque, il ouvrait grande la porte du cinéma à l’Architecture.
Déjà à l’oeuvre dans l’art pictural du paysage, le Genius Loci familier des architectes révèlera au cinéma ce qu’il est vraiment, bien plus qu’un paysage topographique, une empreinte profondément psychologique de la géographie, du site, de la ville, de l’architecture.
Après lui des générations de réalisateurs firent de la ville le support du récit narratif ancré de chaque époque ; Le Vérisme italien, projetant la Fontaine de Trévi romaine au coeur de toute histoire amoureuse dans la Dolce Vita, ou bien Rome ville Ouverte donnant à voir la complexité des sentiments dans une ville déchirée par la guerre.
Plus tard, continuant la dérive urbaine des situationnistes, La Nouvelle Vague avec Jean Luc Godard prendra Paris à témoin, suivant à distance avec une caméra embarquée dans un chariot ses acteurs fétiches : Paris sera la capitale des amours entre Jean Paul Belmondo et Jean Seberg dans A bout de Souffle. Et avec eux nous flânerons sur les Champs-Elysées en toute insouciance. Francesco Rosi, avec Main basse sur la ville, nous dira comment la politique rencontre l’architecture avec férocité. A l’autre bout du monde, c’est Alain Resnais qui filmera la mémoire des lieux et des existences dans Hiroshima mon amour.
En 1971 Orange mécanique annoncera les dystopies urbaines ; suivront Blade Runner, et 1984, dans des visions de la ville divisée, et Le Ventre de l’architecte qui laissera un gout amer, évoquant la perdition au milieu des ruines romaines.
En contre plongée plus heureuse le film Les Ailes du désir penchera sur Berlin un regard cinématographique rêveur, un chant /champ du possible), tandis que le 5e élément trouvera une place essentielle et humaine au coeur de la ville futuriste déshumanisée et que La fabuleuse histoire d’Amélie Poulain nous fera apprécier la réalité des pavés parisiens, la flânerie, la ville retrouvée.
Nous partirons en 1991 avec Thelma et Louise vers le Grand canyon, si majestueux, et en 2001 dans une odyssée de l’espace nous ramenant à la naissance de l’humanité.
En 2014 le film La Sapienza, donnant toutes ses lettres de noblesse à l’architecte du baroque italien Borromini ou Le Bernin, en opposant dans le film le constat désabusé d’une certaine architecture moderne détachée de ses buts affichés, le bien-être commun, rappelant Jacques Tati avec Playtime.
Récemment Parasite nous plongera dans l’enfer de la maison contemporaine protégeant en son sein les pires turpitudes tandis que Gagarine délivrera un message de résistance à la fatalité dans une habitation à loyer modéré d’une cité de grands ensembles.
En attendant le prochain Festival du film d’architecture au Mikado Novel les 16, 17 et 18 novembre, que la MA74 prépare pour vous, et si lassés du soleil et de la plage, des apéros et des marches en montagne, vous répétez comme Anna Karina dans Pierrot le Fou : » j’sais pas quoi faire qu’est-ce que j’peux faire, » , n’oubliez pas que le cinéma vous accueille chaque jour dans le secret de sa boîte noire, pour y délivrer des récits, des émotions et beaucoup d’architecture…
Bonnes vacances cinématographiques
José VILLOT, Président MA74